Le Musée des Joyaux nationaux (mouzeh-ye javâherât-e melli) comprend des bijoux et joyaux uniques au monde qui ont été réunis au cours de l’histoire et font désormais partie de l’héritage national iranien. Chaque pièce est un chef-d’œuvre qui témoigne d’une époque particulière de l’histoire de la Perse ainsi que du goût et de la finesse de l’artisanat iranien. Une question demeure cependant sans réponse: quelle est la véritable valeur de cette collection? Aucun expert n’a jamais pu répondre à cette interrogation.
La création de la collection que l’on peut admirer dans le Musée des Joyaux actuel remonte à l’époque safavide, c’est-à-dire au début du XVIe siècle. La Perse sortait alors de près d’un millénaire d’allégeance à différentes dynasties étrangères, notamment arabes et mongoles. Au début de la dynastie des Safavides, la trésorerie royale était presque vide et il n’y avait pas d’objets véritablement précieux pour garantir l’économie du pays. D’après les rapports des premiers explorateurs orientalistes, dont Jean-Baptiste Tavernier et Chardin, les premiers souverains safavides exigèrent que leurs meilleurs experts aillent à la recherche des joyaux royaux perdus dans le tumulte de l’histoire agitée de l’Iran. De ce fait, ils en trouvèrent et rapatrièrent (à Ispahan) un certain nombre depuis les pays voisins comme l’Empire ottoman et l’Inde, ainsi que de pays plus lointains comme la France et l’Italie. Outre les visées économiques, ils poursuivaient également un but politique: rendre à la Perse sa crédibilité étatique longtemps oubliée et consolider ses frontières.
En 1722, le roi safavide Soltân Hossein fut renversé par l’afghan Shâh Mahmoud Hotaki. La trésorerie d’Ispahan fut par conséquent entièrement pillée par les troupes de ce dernier et une bonne partie de ses trésors arriva entre les mains d’Ashraf Khân, son successeur au trône.
Globe des Joyaux, 1869
Après la défaite des Afghans et à la suite de l’avènement de Shâh Tahmasb II puis de Nâder Shâh Afshâr en 1736, on empêcha le transfert des bijoux et des biens royaux hors du pays. Etant donné qu’une part des biens avait été emportée en Inde quelques temps auparavant, Nader Shâh, après une lettre sans réponse qu’il avait adressée à la cour de Mohammad Gourkâni, prit la tête d’une expédition à destination de Delhi. A son retour en Perse, il avait rassemblé un grand nombre d’esclaves, de butins et d’éléphants, mais ce dont il était le plus satisfait était sans doute d’y avoir rapporté les diamants Kouh-e Nour et Daryâ-ye Nour (signifiant respectivement "montagne de lumière" et "mer de lumière" en persan) ainsi que le Trône de paon, symbole du pouvoir impérial de la Perse. Ceci permis l’interruption de la perception des impôts pendant un certain temps et lui donna l’occasion de se rapprocher des voisins frontaliers de l’Iran en leur accordant de précieuses offrandes.
Diamant Daryâ-ye Nour
Il faut pourtant préciser que le butin obtenu n’arriva pas entièrement en Perse, mais disparut en grande partie sur le chemin du retour. Une part de cette richesse redécouverte fut également consacrée au mausolée de l’Imâm Rezâ. Finalement, en 1747, Nader Shâh fut assassiné par l’un de ses chefs d’armée d’origine afghane, Ahmad Beig Afghani Ebdâli; événement qui entraîna la perte d’une autre partie de la fortune récupérée par Nâder, dont le précieux diamant de Kouh-e Nour qui ne fut jamais rendu à l’Iran. Il fut gardé par Ahmad Shâh Durrani durant un certain temps, avant de faire partie des biens de Ranjit Singh de Panjab. Après la défaite de l’Inde face aux forces anglaises, il fut confisqué par la Compagnie des Indes Orientales établie alors en Inde. Plus tard en 1850, il fut offert à la Reine Victoria de la part de cette même compagnie. Il ne fut alors plus jamais question de son retour en Iran.
Chandelier incrusté de pierres précieuses
Sous les Qâdjârs, après avoir détrôné le roi Lotf ‘Ali Khân Zand en 1796, c’est-à-dire depuis le règne d’Aghâ Mohammad Shâh jusqu’à la première moitié du XXe siècle, l’usage des bijoux mais aussi des pierres précieuses en général se répandit: elles furent alors incrustées, ciselées et assemblées sur divers objets royaux et atteignirent une grande valeur. Parmi ces objets, nous pouvons citer le Trône Nâderi, le Globe des Joyaux, la couronne royale, le Trône du Paon (Trône du Soleil), ainsi que des centaines de broches, chandeliers, colliers, bagues, bracelets, etc.
Collier de la reine Pahlavi
En 1937, tous les joyaux furent transférés à la Banque Nationale d’Iran à la suite de l’adoption d’une loi votée la même année, servant ainsi de garantie aux créances de l’Etat. Plus tard, ils devinrent la caution des dettes du gouvernement et le support de l’impression des billets de banque. L’actuel trésor fut fondé en 1955 et inauguré en même temps que la Banque Centrale d’Iran, c’est-à-dire en 1960. Celui-ci resta en activité jusqu’à la Révolution islamique de 1979 suivie de la guerre de l’Irak contre l’Iran. Malgré certaines interruptions, la trésorerie transformée en musée rouvrit ses portes au public en 1990.
Couronne de la reine pahlavi
Le musée est actuellement situé sur l’avenue Ferdowsi et s’étend sur une superficie de 1000 m². Il est équipé d’un système d’alarme volumétrique installé par une compagnie allemande. L’importance de ce musée est due essentiellement à ses objets uniques de par leur beauté, mais aussi de par leur valeur inestimable. Chaque pierre incrustée et chaque bijou incarnent également un aspect de l’histoire de l’Iran, tout comme ils témoignent de sa richesse artistique.
Broche en forme de paon
L’objet le plus renommé du musée est sans doute le fameux diamant Daryâ-ye Nour (signifiant "mer de lumière" en persan) de 182 carats, qui brille d’une couleur légèrement rosée. Il est incontestablement le diamant le plus beau et le plus gros des joyaux de ce musée ainsi que du monde entier. Selon certaines estimations, il daterait (sous sa forme actuelle) d’un millénaire. Comme nous l’avons évoqué, il faisait partie du butin remporté par Nâder Shâh Afshâr à la suite de sa conquête des Indes. Après la mort de celui-ci, la Mer de Lumière fut entre les mains de son petit-fils Shâhrokh Mirzâ, puis devint la propriété de son héritier, Amir Alam Khân Khozeymeh qui le céda à Lotf ‘Ali Khân Zand, qui le remit à son tour à Aghâ Mohammad Khân Qâdjâr. D’après Nâssereddin Shâh, ce diamant faisait partie des joyaux de la couronne de Cyrus, c’est-à-dire remonterait au Ve siècle av. J.-C. Il fut utilisé comme aigrette ou broche ornée, paré de 457 brillants. Il est taillé sur les deux faces, toutes les surfaces sont uniformes et régulières sauf une surface où Fath ‘Ali Shâh a gravé son nom - ce qui a malheureusement réduit le prix original du diamant. Il représente la majeure partie d’un autre grand diamant décrit par Tavernier en 1642 et qui faisait 242 carats. Il fut malheureusement coupé en deux morceaux, l’un devenant un brillant ovale de 60 carats nommé Nour al-’Ayn (signifiant "lumière des yeux" en arabe) et l’autre conservé sain et sauf jusqu’à aujourd’hui.
Semi-couronne de Fâtemeh Pahlavi
Un autre chef-d’œuvre du musée est sans doute le Globe des Joyaux (Koreh javâher neshân) monté en 1869 par des orfèvres expérimentés de l’époque sous la direction du bijoutier iranien Ebrâhim Massihi sur ordre de Nâssereddin Shâh. Son piédestal en or pèse à lui seul 5,37 kilogrammes et 51 366 morceaux de pierres précieuses sont ciselés sur le globe. Les mers et les océans sont incrustés en émeraudes, l’Asie, l’Amérique du nord et du sud ainsi que l’Australie en rubis et améthystes, l’Iran en diamants et l’Europe en rubis rouges, l’Afrique Centrale et l’Afrique de Sud en saphirs et l’équateur ainsi que les autres lignes géographiques en diamants. En regardant attentivement, on peut également lire les différents titres de Nassereddin Shâh sculptés sur le globe. Le mont Damâvand est mis en relief au moyen d’un grand rubis et la ville de Téhéran brille sous la forme d’un rubis très particulier que l’on nommeOrangue-zib.
Carafe incrustée de pierres précieuses
Le Diadème de lune (Tâj-e mâh) est un autre trésor de la collection qui arrive au second rang après le diamant de Daryâ-ye Nour. Cette belle pierre blanche de 112 carats est joliment taillée en forme ovale. Elle était utilisée comme bracelet mais servit ensuite d’aigrette. Elle est maintenant exposée dans le musée à côté d’autres pierres précieuses non montées.
Parmi les différentes couronnes que l’on peut y admirer figure la couronne royale des rois qâdjârs qui fut dessinée sur ordre de Fath ‘Ali Shâh. Ce genre de couronne fut à la mode pendant des siècles sous les Sassanides et fut réutilisé par ordre du roi qâdjâr. Cette couronne particulière est ornée de diamants, de rubis, de perles et d’émeraudes.
Aiguière
La couronne de Rezâ Shâh Pahlavi, fondateur de la dynastie pahlavi, est également exposée dans le musée. Elle est faite en or et en argent, décorée par de très beaux brillants et de grosses pierres précieuses dont des émeraudes, des rubis, mais aussi une perle en forme de larme. Elle fut conçue selon le style sassanide et montée avec 3380 diamants de 1144 carats, 5 émeraudes de 199 carats, 2 rubis de 19 carats et 368 perles rondes. Le tout pèse 2080 grammes. Rezâ Khân exigea ainsi que l’on conçoive spécialement une couronne pour son couronnement afin de distinguer sa propre cérémonie des rituels qâdjârs.
Couronne de Rezâ Shâh, XXe siècle
Le Trône Nâderi a été conçu par des artistes, joailliers et sculpteurs iraniens sur ordre de Fath ‘Ali Shâh. Ce trône incrusté et émaillé comporte 22 000 pierres précieuses et a été conçu de manière à pouvoir être démonté aisément en neuf morceaux afin de faciliter son déplacement. Les motifs saillants du trône représentent d’abord deux formes de paon, deux dragons ou bien des salamandres dont la queue a la forme d’une tête d’aigle ou de perroquet. Sur la première marche, on remarque le dessin d’un lion dont le corps est incrusté de pierres précieuses. Sur les deux côtés du trône, des feuilles de bergamote et deux perroquets émaillés attirent l’attention.
Trône Nâderi (Takht-e Nâderi)
Le Trône du Paon (Trône du Soleil) est un autre trône qui porte en lui le nom de l’Iran. Il fut monté sous la surveillance de Nezâm-od-Doleh, l’archichancelier de Fath ’Ali Shâh, après le mariage de Fath ’Ali Shâh avec Tâvous Tâj-ol-Saltaneh (en persantâvoussignifie paon), alors âgée de neuf ans. Ce trône fut ainsi nommé en son honneur. Certains comparent ce trône à celui que Nâder Shâh remmena avec lui d’Inde. Cependant, ce dernier fut totalement détruit à la suite de la mort de Nâder. L’homonymie des deux trônes ne serait donc qu’un pur hasard.
Trône du Paon (Takht-e tâvous)
Le musée compte en tout 35 collections. Ces dernières sont répertoriées d’après leur contenu, leurs matériaux et la fonction des objets. Pour terminer, nous citerons quelques exemples des collections les plus importantes du musée, classées selon leur chiffre:
1. Narguilhés, vases, miroirs, chandeliers et autres objets décorés.
4. Pot de narguilhé en os d’autruche finement décoré, théières, cafetières, sucriers, plateaux en or, en émail, etc.
5. Objets en turquoise.
6. Epais, poignards et couteaux.
11. Objets en rubis, en améthyste. L’améthyste Sâmeri, qui est l’une des plus grandes améthystes du monde, fait partie de cette collection.
L’améthyste Sâmeri
13. Objets en perles. Seize kilomètres de rideaux faits uniquement de perles fines sont également exposés.
17. Le Trône Nâderi.
26. Bijoux fabriqués en Iran ou en France portés par la dynastie pahlavi.
27. Emeraudes montées et non montées.
29. Cuvette, aiguière et pot émaillés destinés à se laver le visage et les mains.
30. Chandeliers décorés avec rubis, émeraudes, perles et améthystes.
34. Le diamant Daryâ-ye Nour, ainsi que la couronne de Rezâ Shâh et de Mohammad Rezâ Shâh.
35. La couronne de la reine pahlavi datant de 1967, montée avec 1500 brillants, 100 perles et de nombreux rubis, émeraudes et améthystes.
Adresse:Avenue Ferdowsi, face à l’ambassade de Turquie
Tel:(0098 21) 64 46 3785